Transformation et fondamentaux du Lean Management

Transformation et fondamentaux du Lean Management
You Kaizen

Date

14 septembre 2023

Auteur

Charles Alberge

Transformation et fondamentaux du Lean Management: témoignage de Christophe Vieren en charge du Kaizen chez Beck Industries.

Interview client du 29/04/2021

Transformation et fondamentaux du Lean Management : l’importance de commencer par le début !

Qui es-tu ?

Je suis Christophe, ingénieur de formation, avec de multiples expériences dans l’industrie : méthodes, R&D, production, et direction industrielle. J’ai toujours été attiré par le Lean, car ce qui m’intéresse, c’est d’être aux côtés des gens pour les aider à résoudre eux-mêmes leurs problèmes et les faire grandir !

Donc, aujourd’hui, tu es en charge de l’amélioration continue chez Beck, c’est bien ça ?

Exactement, je suis arrivé chez Beck il y a un an et demi pour m’occuper des projets d’amélioration, dans tous les sens du terme. C’était une création de poste à la base. Initialement, mon rôle était de mettre en lumière les problèmes et de les résoudre. Dans un premier temps, j’ai été chargé de la mise en place d’un service complet de Supply Chain. Ensuite, avec l’arrivée de la nouvelle gouvernance (Beck ayant fusionné avec le groupe Cooper), j’ai repris un rôle tourné davantage autour de l’amélioration continue et des projets.

Quel impact a eu le changement de gouvernance sur ce qui se passe en interne ?

Cela a simplement entraîné des changements. Il y a une volonté très forte d’évoluer les pratiques progressivement, c’est-à-dire pas à pas, et de remettre l’homme au cœur de l’organisation à travers notamment le Kaizen et la responsabilisation des personnes !

Comment travailles-tu avec la direction ?

C’est un travail quotidien, de concert et basé sur la confiance. La direction donne la ligne directrice et moi, je suis là pour la mettre en œuvre. Je suis en quelque sorte « l’outil du changement », mais je ne peux rien faire sans eux.

Ton rôle est donc transversal ?

Tout à fait.

Qu’est-ce qu’une journée type pour toi ? Quel est ton rôle de tous les jours ? Avez-vous un plan de bataille pour la transformation, peux-tu nous en parler ?

Il n’y a pas de journée type ! (Rire)

Mais globalement, on s’est posé la question des grandes lignes pour amorcer le changement. Nous sommes partis sur deux grands axes :

  1. Les routines de management : l’objectif est de discuter des problèmes des opérateurs avec le chef d’équipe et les services support, à savoir les gens de la sécurité, de la qualité, de la maintenance, de la supply, etc. C’est un rendez-vous quotidien d’une dizaine de minutes. Nous voulons que les services support soient réellement au service des équipes. Nous avons mis six mois à les mettre en place à l’échelle de l’atelier, le plus compliqué étant de les faire perdurer. C’est un travail quotidien !
  2. Les chantiers 5S, sur lesquels You Kaizen nous accompagne. Nous pensons, avec Géry Dewas, notre General Manager, que si nous ne sommes pas capables de maintenir un 5S dans la durée, nous n’aurons alors pas suffisamment de rigueur pour avancer sur des sujets plus complexes. Chez nous, le 5S est un outil sur lequel nous souhaitons nous appuyer pour construire par la suite : c’est simple, fédérateur et technique !

Finalement, vous commencez par le socle de la Maison TOYOTA ?

Exactement ! On ne va pas réinventer la poudre, il y a des gens qui l’ont fait avant nous. C’est la base et ça marche : le 5S et la communication.

Et la résolution de problèmes ?

Alors avant de les résoudre, il faut les montrer : rendre évident qu’ils sont là, qu’ils existent. Ensuite, dans un deuxième temps, faire de la résolution de problème, c’est évident.

Transformation et fondamentaux du Lean Management : Le Lean comme état d’esprit

Est-ce qu’on peut dire que vous pratiquez le Lean ?

Le Lean fait partie des outils, oui.

Tu vois le Lean comme un outil ou comme un état d’esprit ?

Le Lean est une philosophie : faire le juste nécessaire en fonction de ce que demande le client avec les justes moyens pour y arriver. C’est une philosophie au même titre que le TPM (Total Productive Maintenance). Ce sont de vraies cultures à avoir aujourd’hui dans l’entreprise pour satisfaire la demande du client dans des conditions de sécurité, de qualité, de délais et de coûts.

Est-ce que vous faites du Lean sans le nommer ?

On n’appelle pas cela une « démarche Lean » ouvertement, mais on ne se cache pas non plus de faire du Lean. Donc oui, on fait du Lean, ce n’est pas affiché clairement, mais on fait du Lean !

Aujourd’hui, quels sont tes points durs, quels sont les obstacles auxquels tu te heurtes ?

L’obstacle, qui est à la fois une richesse et un point dur, est que les gens n’avancent pas forcément à la vitesse à laquelle j’aimerais qu’ils avancent !

Ça, c’est une frustration, pas un point dur ! (Rires)

Plus sérieusement, s’adapter aux rythmes des équipes est la clef pour réussir : on a défini, en collaboration avec elles, un planning avec un rythme sur des chantiers Kaizen pour pouvoir avancer. Ce qui est vraiment magique dans cette démarche, c’est qu’on ne la fait pas seul, il ne faut d’ailleurs surtout pas la faire seul ! Il faut être à l’écoute. Si c’est pour faire de la démagogie, ça ne sert à rien. Il faut donc être sur le terrain avec les personnes, expliquer pourquoi on fait les choses et les convaincre. Tout cela prend du temps et cela pompe de l’énergie. Avoir une écoute active demande vraiment beaucoup d’énergie !

Y a-t-il une strate dans l’organisation qui a plus de mal qu’une autre avec le changement ? As-tu identifié des éléments de ce type ?

Ce que j’ai remarqué, après avoir été 6 mois dans cette fonction, c’est que certaines équipes sont très agiles et très à l’aise avec le changement.

De quoi s’inquiètent-elles ?

De l’inconnu, toujours. Du coup, il faut expliquer. Quand on fait un chantier 5S, par exemple, tu es bien placé pour le savoir, le fait de perdre quelque chose quand on doit le jeter, c’est parfois difficile…

Oui, je me souviens qu’on avait passé une journée complète à trier une servante… (rires) mais pour finir, ça s’était bien passé (rires)

Je me souviens de ton état à la fin de la journée, tu étais rincé ! Rincé ! (Rires) Mais c’est ce qu’on est amené à vivre quand on conduit un chantier 5S, il y a toujours un peu de crainte, alors il faut rassurer et mettre les personnes en confiance en montrant que cela marche !

Transformation et fondamentaux du Lean Management : Les premières victoires

C’est quoi ta dernière victoire, ta plus grande satisfaction ?

La dernière victoire était que les routines tournent toutes seules ! Pour donner des chiffres, on a lancé 12 routines en tout, c’est-à-dire sur chaque îlot de production. On retrouve donc pour chaque chef d’équipe, un tableau avec des indicateurs et une trame pour l’animation que l’on a pu adapter en fonction de l’îlot et surtout des chefs d’équipe. Ça s’est fait de manière très fluide et même si au début tout n’était pas parfait dans l’animation, force est de constater que ça fonctionne vraiment !

Qu’est-ce qui te fait dire que cela fonctionne ?

Tout simplement parce que l’on parle des problèmes et surtout parce qu’on a observé sur plusieurs îlots que les opérateurs ont pris le relais de leur chef d’équipe lorsqu’il n’était pas présent, sans que personne ne leur demande ! Tu me demandes les victoires : ça, c’est une belle victoire pour l’entreprise ! Ça montre qu’il y a un vrai besoin et que ça a un intérêt pour les opérateurs !

Pour toi, quels sont les prochaines étapes ? Il y a un aspect dont on n’a pas parlé depuis le début, c’est la notion d’apprentissage, parce que le but avec tout ce que l’on met en place, c’est de créer les conditions de l’entreprise apprenante : alors qu’ont-ils appris jusqu’à présent ?

Si on parle des routines, tout le monde a compris l’intérêt de se rencontrer à intervalle régulier autour d’un standard d’animation commun. On a eu le souci de créer des routines communes tout en laissant de la liberté aux chefs d’équipe dans l’animation. L’organisation est rythmée par ces rituels : c’est un bon préambule au Takt !

La prochaine étape, c’est comment améliorer en équipes ces routines : ça veut dire parler performance, c’est-à-dire ajuster les indicateurs et aller vers toujours plus de management visuel.

C’est un constat que je fais chez mes clients : mais d’après toi, pourquoi est-ce qu’on fait du Lean plus facilement dans l’atelier que dans les bureaux ?

C’est lié aux fausses croyances, on a dans l’idée que l’on ne « produit » pas dans les bureaux. Dans l’esprit des gens, il n’y a rien à améliorer, alors qu’en fait si : un service commercial produit des offres à la demande du client et passe par différentes étapes pour y arriver, au même titre que la production. Le fait que le stock soit visible dans l’atelier permet de voir plus facilement les problèmes, ce n’est pas le cas dans un bureau. C’est pourquoi nous avons commencé à mettre des choses en place dans les bureaux, notamment sur le fait de comment produire une offre qui soit bonne du premier coup.

C’est un vrai sujet la qualité dans un service commercial ! Je suis fasciné de constater à quel point la qualité n’est pas un sujet abordé dans les services études et commerciaux !

La qualité, c’est faire bon du premier coup. Au même titre que la sécurité, la qualité est le sujet de tous, sur toute la chaîne de valeur ! Il faut lutter contre l’idée que le service qualité est garant de la qualité : il détecte les défauts, il traite un flux de non-conformités mais n’est pas à l’origine du défaut. C’est un catalyseur. Ce sont ceux qui font, et qui doivent maîtriser la qualité, à chaque étape.

Ainsi, quel que soit le service, tout le monde doit pouvoir répondre à la question « comment je fais bon du premier coup ? », sans distinction de bureau ou d’atelier. La qualité est l’affaire de tous !

Pourquoi avez-vous besoin d’un cabinet comme You Kaizen si vous maîtrisez le Lean en interne ? Quelle est notre valeur ajoutée pour une structure comme la vôtre ?

Vous nous offrez du temps pour commencer. Pour animer des chantiers Kaizen et 5S, on a besoin de 2 à 5 jours, alors même si c’est très enrichissant d’être au contact des opérateurs, ça demande du temps, ce dont nous manquons en interne.

Ensuite, il y a un deuxième élément non négligeable : le fait de passer par des experts extérieurs permet de faire passer des messages plus facilement auprès de nos collaborateurs. Vous êtes un peu les prophètes extérieurs, car nul n’est prophète en son pays. Le fait que ce soit vous qui le disiez a beaucoup plus de poids que si nous nous en occupions nous-mêmes ! Typiquement, le 5S fait partie des sujets sur lesquels nous avons décidé de nous reposer sur des compétences externes.

Que peux-tu nous faire comme retour sur ce qui a été mis en place jusque là ?

Ce que je peux dire, c’est que ça a bien pris, les gens sont contents. Je retiens deux aspects :

Premièrement, il y a un aspect très positif sur le team building : on ressent plus de collaboration dans le travail au quotidien, intra-équipe et inter-équipe.

Deuxièmement, il y a l’apport du standard : étant donné que les opérateurs ont défini collectivement leur standard, ils ont à cœur de le respecter et de le faire évoluer si celui-ci ne convient plus.

Si tu avais un conseil à donner aux entreprises qui souhaitent initier une transformation ?

D’abord, il faut leur dire que c’est une super aventure humaine ! Des conseils, j’en ai plusieurs en fait :

Le premier est qu’on ne peut rien faire si le chef d’entreprise n’est pas partie prenante dans le projet. Petite anecdote, et tu peux en témoigner, Géry et moi-même sommes présents à chaque début et à chaque fin de chantiers : il faut montrer que c’est important pour nous si nous souhaitons que ça le soit pour les autres. Sans cela, ça ne peut pas marcher. Ensuite, il faut faire confiance aux personnes : les gens ont plein d’idées, il faut leur donner la main et les moyens de les mettre en application. Pour finir, et c’est très important : donner le droit à l’erreur. Il est possible que l’on se trompe et bien ce n’est pas grave, on apprend et on essaye autre chose. C’est important de dire aux collaborateurs qu’ils ont droit à l’erreur !

Comme tu le sais, notre cabinet se positionne également sur du conseil en industrie 4.0. Pour nous, l’investissement 4.0, qui intervient en aval du Kaizen, doit être conditionné par une analyse de la valeur, et répondre à trois conditions non négociables : apporter plus de valeur au client, supprimer les gaspillages, faciliter l’apprentissage des collaborateurs. Es-tu d’accord avec cela ?

Pour moi, l’industrie 4.0, c’est remettre l’Homme au cœur des processus. 4.0 pour moi ça veut dire « être au service de l’opérateur », c’est-à-dire lui faciliter la vie. Le risque majeur est de vouloir tout automatiser et mettre des robots partout. Je suis d’accord, les entreprises doivent se poser la question de la valeur ajoutée pour le service rendu au client, en amont de l’investissement. Et le Lean est un excellent point d’entrée pour réaliser cette analyse de la valeur, notamment à travers la cartographie des flux !

Je confirme, c’est un outil Lean que nous utilisons quasiment systématiquement pour entamer une réflexion en amont des démarches de transformation chez nos clients ! Merci beaucoup pour cet échange et pour ta confiance !

Avec grand plaisir ! À bientôt.