Entreprise apprenante : les vertus de l’échec – Un collègue et ami m’a offert pour Noël un livre de philosophie : Les “Vertus de l’Echec”, par Charles Pépin. Voyant le titre, je me dis qu’il s’agissait probablement d’un message subliminal… Echouer ? Moi ? Jamais !
Plus sérieusement, je n’ai pas résisté à la tentation de porter un « regard Lean » sur cet ouvrage. Vous avez dit : déformation professionnelle ? Au-delà des enseignements personnels, qu’y-a-t-il à en retenir, d’un point de vue Lean ?
L’échec comme échafaudage d’un système apprenant pour l’entreprise
Saviez-vous que l’espèce humaine est caractérisée par sa « néoténie », c’est-à-dire sa naissance prématurée ? Les embryologistes sont arrivés à la conclusion qu’il faudrait dix-huit mois aux cellules du fœtus humain pour se développer jusqu’à leur terme. Autrement-dit, il il y a un écart de 9 mois entre la situation idéale et la réalité. Nous commençons donc tous notre vie avec un problème (puisqu’en Lean, problème égale écart).
Résultat : Ainsi nous sommes loin de l’image du faon qui gambade, après quelques instants seulement après avoir vu le jour. Pour nous, ce n’est qu’après des mois et au prix de milliers de chutes (que l’on peut donc qualifier d’échecs) que nous finirons par savoir marcher.
In fine, ces chutes (ou échecs) nous forgent, développent nos aptitudes, nos compétences , qui nous permettront par la suite de conduire des voitures ou piloter des avions. Le cerf ne fera lui encore que marcher…
Ce qu’il faut retenir :
Sans échec, il n’y a donc pas d’apprentissage.
Pour un bébé, l’échec est facile à identifier : il tombe, se fait mal et pleur. Qu’en est-il pour une entreprise, pour une équipe ?
L’importance d’être confronté à la réalité
La première chose, pour pouvoir régler ses problèmes, c’est prendre conscience que l’on a des problèmes, que l’on est en situation d’échec. Mais comment faire? Comment savoir si nos collaborateurs sont en situation de réussite ou d’échec?
La réponse est simple : allez sur le gemba (terrain), asseyez-vous à côté de vos collaborateurs. Ecoutez, observez (sans jugement, évidement) et sans doute apprendrez-vous quelque chose ! Mettez en place des indicateurs de performance orientés clients, qui ont du sens pour vos équipes. En vous y référant, vous verrez instantanément si l’objectif est atteint ou non.
Ce qu’il faut retenir :
Aller sur le terrain c’est se donner une chance de voir la réalité en face. Et la réalité, c’est bien souvent que cela ne fonctionne pas, que le standard ou encore le processus n’est pas respecté, que l’objectif est ou n’est pas atteint.
Entreprise apprenante : échouer pour résoudre des problèmes
Maintenant que nous nous sommes confrontés aux faits, à la réalité, il nous faut désormais passer à l’action. Mais pas trop vite ! Quel lien peut-on trouver entre l’échec et la résolution de problème ?
L’échec est à l’origine de la résolution de problème
Comme j’ai pris l’habitude de le dire : un problème mal posé, mène irrémédiablement à une erreur très précise ! N’oubliez pas que le Lean est la recherche des faits : on veut des chiffres ! J’ai pour habitude de répéter aux personnes que j’accompagne qu’un problème égale un écart à un standard (attendu par le client) ! C’est parce que nous posons un problème correctement que nous arrivons ensuite à le résoudre.
Pour réussir il faut oser l’échec
La peur de l’échec est un mal bien Français : pour preuve, à l’école on ne peut plus redoubler. Refuser le redoublement à un élève, c’est nier l’écart entre son niveau et celui attendu. Le message qui est passé est le suivant : « il est interdit d’échouer ».
C’est ensuite cette peur de l’échec qui empêche les gens de passer à l’action. A l’image d’un perfectionniste, on préfèrera ne rien faire plutôt que de faire mal ou de se tromper. Lorsque l’on fait de la résolution de problème on cherche à passer à l’action le plus rapidement possible après que le problème soit survenu. En agissant, on se libère de sa peur et on prend aussi le risque de « louper », voire même de réussir !
Echouer (ou non) de manière itérative
Ever tried. Ever Failed. No Matter. Try Again. Fail again. Fail Better.
Samuel Beckett
Samuel Becket, bien qu’il ait écrit cette phrase pour évoquer le processus de création artistique, nous aide à comprendre que sans l’expérimentation de manière itérative, rien ne peut être amélioré. Cela ne vous fait penser à rien ? Ce n’est rien de moins que le cycle de l’amélioration continue, le PDCA autrement appelé la “roue de Deming”. C’est exactement l’approche qu’utilisent les start-ups pour tester le « match » entre leurs produits ou services et le marché qu’il visent. En ratant vite, il apprennent, modifient leur offre, réessayent et ainsi de suite.
Le droit à l’erreur oui, mais pour en tirer des apprentissages :
Tout le monde connait le proverbe « l’erreur est humaine ». Ce qui est moins connu et encore moins bien interprété est la deuxième partie de ce proverbe : « la reproduire et diabolique ». « Si, en effet, l’homme ne peut apprendre que par erreur, la reproduire, c’est s’enfermer dans l’ignorance, se condamner à ne jamais rien apprendre ». C’est pourquoi il est indispensable pour clôturer un PDCA d’en tirer les apprentissages profonds. (note de bas de page).
Ce qu’il faut retenir :
L’échec fait partie intégrante de la résolution de problème (ou amélioration continue) et nous permet d’apprendre encore et toujours.
Le Lean n’est pas, comme certain le décrivent, un système de production. Ce n’est pas non plus une caisse à outils. Le Lean Management est avant tout un système apprenant dans lequel l’échec, l’erreur (ou le droit à l’erreur), l’écart, le problème est avant tout pour les collaborateurs une occasion de développer leurs compétences, de s’améliorer et d’être créatif dans la mise en place des solutions qui répondront complètement au attentes de leurs clients.
N’est pas cela finalement le système Lean « toujours essayer, essayer encore. Quoi qu’il arrive. Essayer encore. Echouer encore. Echouer mieux ?